Exposition temporaire

Miró

Du 13 juillet au 24 novembre
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Biographie

Jeunesse et débuts
Né à Barcelone en 1893, Joan Miró se heurte à l’opposition de son père lorsqu’il exprime son désir de devenir artiste. Mais il s’inscrit en 1907 aux cours du soir de l’école des Beaux-arts de La Llotja, lançant sa carrière.
Ses débuts sont influencés par le fauvisme et le cubisme.

Paris et le surréalisme
Installé à Paris dès 1921, il fréquente les futurs surréalistes et partage leurs aspirations. Son art devient onirique, explorant le monde des rêves et la poésie. Il cherche à exprimer sensations et émotions au-delà de la représentation.

Expérimentations et guerres
Les années 1930 marquent une période d’expérimentations. Miró crée des oeuvres plus expressives et viscérales, entrant dans sa période “sauvage”. En 1937, il réalise Le Faucheur, oeuvre puissante et engagée pour le pavillon espagnol de l’Exposition universelle. La guerre civile espagnole le contraint à l’exil en France et il entame la série des Constellations. L’invasion allemande le fait retourner en Espagne, où il crée dans une solitude totale.

Après-guerre et reconnaissance
Après la guerre, il expose aux États-Unis, à Paris et dans le monde. Installé à Palma de Majorque, son travail s’oriente vers des formats plus grands et une sobriété expressive intense. Il approfondit son langage visuel poétique, influencé par l’art américain, l’art pariétal et l’art extrême-oriental.

Dernières années et héritage
Dans les années 1960, il participe à la création du Jardin des labyrinthes de la Fondation Maeght à Saint-Paulde-Vence. Joan Miró s’éteint à Palma de Majorque en 1983 à l’âge de 90 ans. Il laisse derrière lui une oeuvre riche et intemporelle, définissant comme un “Catalan international”.

Présentation de l’exposition

L’exposition présente 74 oeuvres de l’artiste Joan Miró créées entre 1956 et 1977. À la fin des années 1950, Joan Miró entame une période de profonde transformation artistique qui durera jusqu’à la fin de sa vie. Cette période marque l’apogée de son génie créatif et donne naissance à des oeuvres d’une puissance expressive inégalée.

En 1954, Miró s’installe à Majorque, sa terre natale, et y fait construire un grand
atelier par son ami Josep Lluís Sert. Ce changement de décor agit comme un catalyseur de remise en question. Face à un trésor de dessins et peintures accumulés au fil des années, l’artiste ressent le besoin de se libérer du passé et d’explorer de nouveaux horizons.
Cette période va voir l’éclosion d’un style artistique pleinement assumé, qui le propulsera au rang de maître de l’art moderne.

L’exposition Miró suit un parcours chronologique et thématique, permettant
d’apprécier l’évolution artistique de Miró et l’influence des différents mouvements qu’il a traversés : 23 sculptures, 21 dessins, 16 maquettes d’oeuvres, des peintures grands formats, des céramiques, des lithographies et des
gravures.
Cette exposition met en lumière l’incroyable virtuosité de Miró qui combine avec audace différentes techniques pour créer des oeuvres uniques. Les dessins, lithographies et maquettes de l’exposition mêlent fusain, gouache, encre, collage et supports divers, tandis que ses sculptures en bronze, assemblées ou moulées, se parent parfois de couleurs vives.

Esprit en constante réflexion, l’artiste intègre des sources multiples telles que la poésie, l’art japonais, l’expressionnisme américain et l’art rupestre, donnant naissance à un style unique et percutant. En rassemblant ces oeuvres, l’exposition révèle également son style figuratif à la limite de l’abstraction. Les formes biomorphiques, les couleurs vives, les traits noirs et les symboles récurrents créent un langage visuel immédiatement reconnaissable.

Inspirations, expirations…

Déjà dans les années 1920, Miró exprimait son désenchantement envers la peinture, la qualifiant de « décadente ». En 1957, une visite à la grotte d’Altamira le bouleverse durablement.

Le contact direct avec les figures pariétales le pousse à travailler au doigt à même le sol et à utiliser des pigments ocres et des tons terre. Il retrouve ainsi la spontanéité et la force expressive des premiers artistes, renouant avec les racines profondes de l’art où nature et spiritualité se confondent.
Le séjour de Joan Miró aux États-Unis en 1959 le confronte à la « nouvelle peinture américaine ». Ses anciens admirateurs, Jackson Pollock, Arshile Gorky et Mark Rothko, adeptes des grands formats, l’incitent à changer d’échelle. Miró s’imprègne de la vitalité de cette scène artistique, ce qui se traduit par une libération des formes et des couleurs, l’adoption du grand format et une recherche
d’expressivité directe.

À l’automne 1966, Miró réalise enfin son rêve de visiter le Pays du Soleil Levant. L’influence de l’art japonais est visible dans l’utilisation de la calligraphie. Miró s’inspire du principe selon lequel l’énergie vitale doit jaillir du pinceau vers la toile. « J’ai été passionné par le travail des calligraphes japonais et cela a certainement influencé ma technique de travail. Je travaille de plus en plus en transe, je dirais même presque toujours en transe aujourd’hui.

Et je considère ma peinture de plus en plus gestuelle. » Entretien avec Margit Rowell, 1970.
Miró embrasse sans réserve des tons vifs et primaires, créant des contrastes saisissants et des harmonies inattendues. Il utilise beaucoup les traits noirs en variant les épaisseurs. Le fond de sa peinture entièrement peint devient un élément essentiel de la composition.

Miró et la poésie

Publié en 1961, l’Album 19 témoigne de l’amitié profonde entre Joan Miró et Raymond Queneau. Cette oeuvre réunit 19 lithographies originales de l’artiste, accompagnées de 7 autres illustrant la préface manuscrite de Queneau.

Les formes biomorphiques et oniriques caractéristiques de Miró entrent en dialogue avec les mots du poète. Dans sa préface, Queneau explore les liens profonds entre peinture et poésie. Cette conversation à quatre mains célèbre l’intention commune des deux artistes : fusionner leurs langages pour
créer une oeuvre unique à la croisée des arts.

Dès les années 1920, Miró et Queneau nouent une amitié
indéfectible. Queneau, fasciné par l’univers pictural de Miró, lui consacre de nombreux textes critiques. En 1954, il rédige même le catalogue de la Biennale de Venise pour l’artiste catalan.
Influencé par ses amis poètes surréalistes, Miró s’initie à la lithographie dès les années 1930. L’Album 19 est une illustration parfaite de cette rencontre fructueuse entre deux géants de leur époque.
« Je ne fais pas de distinction entre la poésie et la peinture. » Joan Miró

Au cours de sa riche carrière, Miró a travaillé avec de nombreux poètes et écrivains, il a illustré : Parler seul de Tristan Tzara, Ubu Roi d’Alfred Jarry, ou encore Les Adonides de Jacques Prévert. De même, des poètes comme
Javques Prévert ou Paul Eluard ont écrit des poèmes sur Miró.
Ces échanges nourrissent son oeuvre et renforcent sa dimension poétique. Fasciné par les mots et leurs pouvoirs, Miró s’est affranchi des codes traditionnels de la peinture pour créer un langage visuel unique. Ses oeuvres, véritables poèmes visuels, composent un univers onirique où les signes et les symboles prennent vie.

Les dernière années de Miró

« Quand un artiste parle dans un contexte où la liberté est difficile, il doit transformer chacune de ses oeuvres en un refus des interdictions, en un affranchissement de toutes les oppressions, de tous les préjugés et de toutes les fausses valeurs officielles. » Ces mots de Joan Miró, prononcés en 1979 à
l’Université de Barcelone, résument parfaitement sa vision de l’art. Pour lui, l’artiste a le devoir de se libérer des contraintes et d’exprimer sa liberté à travers ses oeuvres.

Tout au long de sa vie, Miró n’a cessé d’expérimenter et de se réinventer. Il a utilisé une grande variété de techniques et de matériaux, et n’a pas hésité à détruire ses oeuvres pour mieux les reconstruire. Comme le témoigne son ami
Josep Royo, il a même brûlé ses toiles, affirmant par cet acte radical sa volonté de faire table rase du passé, de retourner à la source de sa création et, surtout, pour protester contre la spéculation et le marché de l’art.
Cette quête de renouveau est particulièrement visible dans ses dernières oeuvres. Miró y utilise des techniques simples et directes, comme la peinture à la main et le collage. Il explore des formes et des couleurs primaires, comme pour retrouver l’essence même de l’art.

En 1983, la dernière année de sa vie, Joan Miró réalise son ultime oeuvre, une oeuvre en céramique, haute de 22 mètres, Femme et oiseau. Destinée à accueillir les visiteurs arrivant par la terre, cette sculpture rend hommage à Barcelone, la ville natale de l’artiste, symbolisant la liberté, l’espoir et la vie. Joan Miró est l’un des artistes les plus importants du XXe siècle. Son oeuvre, empreinte de poésie et de liberté, continue d’inspirer les artistes et le public du monde entier.
Joan Miró quitte le monde à l’âge de 90 ans, le jour de Noël de la même année.

Vinardel : Terra Incognita

Du 20 janvier au 19 mai 2024

Pascal Vinardel est un artiste contemporain, né le 29 avril 1951, à Casablanca, au Maroc, à l’époque sous protectorat français. Il en gar­dera une certaine nostalgie. Très tôt, il s’oriente vers la peinture. Rentré en France en 1965, i I est admis à l’École Nationale Supé­rieure des Beaux-Arts de Paris dont il obtient le diplôme en 1972.


Après de nombreuses récompenses, il est reçu en 1974 au concours de la Casa Velazquez. Après un séjour de deux ans à Madrid, il revient à Paris où d’importants collectionneurs remarquent ses travaux. De 1980 à 1988, François Mitterrand, Président de la République, devient un de ses collectionneurs et fait acquérir par l’Élysée ses œuvres pour les chefs d’État étrangers. De 1994 à 2000, il dirige un atelier de peinture à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris.
Peintre secret, à l’écart des modes de son temps, Pascal Vinardel a participé à de nombreuses expositions : en 1977, « Ateliers Contemporains » au Centre Georges Pompidou et, en 1980, « Figuration d’aujourd’hui » à l’Hôtel de Ville de Paris. En 2002, une première rétrospective se déroule à Pont-l’Évêque en Normandie. De 2003 à 2011, il expose à Paris : en 2003 à la galerie Visconti et à la galerie Francis Barlier, en 2004 à « Art Paris » au Carrousel du Louvre, en 2009 à la galerie Vincent Pietryka et, en 2011 ses dessins et ses lavis au Grand Palais lors du salon du dessin et de l’estampe.
En 2012, parait la monographie « Pascal Vinardel, une œuvre » aux éditions Mezzo, avec les textes de Jean-Philippe Domecq, Jérôme Godeau, James Lord, Frédéric Musso, Pascal Riou, Jaime Semprun et Anne de Staël. Ses lavis seront exposés en Avignon au musée Angladon à l’occasion de l’événement « À livre ouvert » avec la Revue Conférence.
Fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2013, ses œuvres sont exposées régulièrement jusqu’en 2017 à la galerie Francis Bar­lier à Paris. En 2017, une de ses œuvres majeures« les portes du fleuve » (200×320 cm) évoquant la ville de Bordeaux a été montrée lors de l’exposition de prestige « Présence de la pein­ture en France (1974-2016) » à la Mairie du Ve à Paris. En 2019, exposition personnelle à la galerie Nicolas Deman à Paris, et enfin, en 2023, des œuvres récentes sont montrées à la galerie Artborescence à Paris.

Terra Incognita ou la terre inconnue

Terra lncognita est une expression latine qui signifie « terre inconnue ».
Cette locution a été utilisée en Europe sur les cartes géographiques anciennes pour situer les territoires inexplorés par les voyageurs. Quelquefois, les cartographes de l’époque y dessinaient des êtres chimériques ou légendaires comme des serpents de mer, des licornes ou des griffons, mais aussi des bâtiments mythiques supposés y figurer. Les terres inconnues sont des espaces géographiques sans contenu défini et, dès lors, sujet à toutes les interprétations. Puis, peu à peu, à partir du début du XIX• siècle, cette mention a disparu avec la multiplication des grandes explorations et le développement des sociétés de cartographie.
L’exposition Terra lncognita de Pascal Vinardel au Musée des cultures et du paysage est composée de 67 œuvres : 45 peintures à l’huile et 22 lavis.

La plupart sont des peintures en grand format de paysages nimbées dans des lumières d’aubes et d’aurores, d’or et d’ocre, où quelquefois la nuit proche se devine ou fait son apparition
comme dans le tableau Le retour à Cythère.
Quelques autres sont des intérieurs où se devinent aussi bien par les fenêtres que sur les tableaux suspendus aux murs, les mêmes paysages, la même nature avec ses maisons paisibles et énigmatiques à la fois. Les vers de Charles Baudelaire (1921- 1867) du poème L’invitation au voyage (Les Fleurs du mal, 1857,
«Spleen et Idéal») traduisent cette atmosphère : « Des meubles luisants, / Polis par les ans, / Les riches plafonds, / Les miroirs profonds, / Tout y parlerait / A l’âme en secret / Sa douce langue natale. »

Enfin, les lavis en nuance de blancs et de noirs nous emportent dans des perspectives mystérieuses où l’œil s’étonne de retourner, comme pour les peintures, dans un pays ancien dont notre part immémoriale a préservé un souvenir joyeux et nostalgique.

Chaque tableau, chaque lavis, est ainsi une exploration en forme de révélation d’une terre inconnue, non pas parce qu’elle l’a toujours été, mais parce qu’elle l’est devenue. Ce sont des terres disparues, comme effacées sous la tempête des spéculations financières et immobilières, la violence des bétons armés et l’invasion des revêtements de bitume, sans compter la multiplication des écrans comme interface au monde et l’obsession normalisée des chiffres et des statistiques comme référence ultime à la réalité. Or, les tableaux de Pascal Vinardel relatent un espace-temps, une réalité, un monde où l’humain et la nature se vivaient et se respiraient ensemble .
C’est donc à une exploration poétique à laquelle est convié le visiteur. Parcourir l’exposition, c’est partir à la découverte de lieux à la fois familiers et lointains comme ce retour au pays natal que nous retrace le grand poète allemand Friedrich Holderlin (1770-1843) : « Montagnes vallonnées ! ô vous tous
/ Sommets ensoleillés, vous revoici donc ? / ô lieu silencieux ! dans les rêves tu m’es apparu si loin » (à lire Chants de la terre natale, Édition La Différence/ Orphée, 2014)

À ce titre, laissons la parole à Jaime Semprun (1947-2010) qui écrit en 2010 un texte sur l’œuvre de son ami Pascal Vinardel :
« L’humanité n’a pas vieilli. Elle peut à chaque instant retrouver, intacts, ses pouvoirs d’embellissement. C’est le monde qu’elle s’est fabriqué qui vieillit de plus en plus vite, drainé par ses nouveautés incessantes, se fissurant à chaque instant, se regardant tomber en miettes. Peindre le monde d’avant son vieillissement par l’industrie, c’est le rajeunir, le ramener vers un passé qui était encore plein d’un avenir à partir duquel on peut imaginer ce qui aurait pu être, ce qui encore pourrait être … » (extrait du livre Andromaque, je pense à vous !, Édition de l’encyclopédie des Nuisances, 2011) .

Comprendre l’exposition boussole d’exposition

Textes d’accompagnement des tableaux ou razos
De nombreux tableaux de Pascal Vinardel sont accompagnés d’un petit texte du peintre écrit par lui qui porte le nom générique de razo. Le mot razo (du latin « ratio ») trouve son origine à la fin du Moyen-Âge, c’est un terme employé par les troubadours pour désigner tout à la fois la raison, le sens, le motif d’un poème. Avant chaque interprétation, le troubadour prenait le temps d’expliciter oralement les causes qui ont conduit à écrire son poème. Plus tard, les razos (mot féminin) étaient placées en tête des Chansonniers (en occitan « Cançoner ») qui étaient des recueils manuscrits de chants profanes avec textes et musiques.
Dans le cadre de l’œuvre de Pascal Vinardel, le terme razo n’est pas un texte de présentation mais c’est un écrit du peintre qui précède sa peinture. En effet, Pascal Vinardel commence d’abord par écrire un texte comme une graine par laquelle va germer puis se développer sa peinture. Le temps de maturation peut être plus ou moins long, parfois la peinture nait des années plus tard.

L’art du lavis
Le lavis est un procédé mêlant dessin et peinture, qui consiste dans l’emploi d’un pigment dilué à l’eau (comme de l’encre de Chine) et appliqué au pinceau, directement sur le papier. La peinture du lavis est très diluée, elle sèche plus vite ce qui permet d’appliquer rapidement la prochaine couche, mais il est également possible de peindre sur un lavis qui n’est pas sec.
L’œuvre ainsi obtenue est généralement monochrome, mais peut être dégradée d’une ou plusieurs couleurs: encre de Chine, bistre, sépia … Le lavis permet de jouer sur les ombres et les lumières. Son origine vient d’Extrême-Orient, depuis le x• siècle environ ; les artistes occidentaux, eux, vont commencer à s’emparer de cette technique à partir de la Renaissance (Vénitiens du XI\/ » siècle., Poussin, Le Lorrain, Rembrandt…).

Éléments de perspective d’ Alberti
« Mon ‘art de peindre’, s’il y en a un, ne fait qu’obéir aux lois albertiennes du tableau considéré comme un plan du cône visuel. Avec ses protocoles métriques, ses règles chromatiques et optiques, et surtout ce qu’Alberti appelle la ‘storia’ qui est discours, mais discours dans l’espace, soit l’enchaînement rigoureux de la plus petite à la plus grande forme, la plus grande forme étant constituée par le tableau lui-même, il s’agit d’organiser une scène visuelle narrative avec toutes ses illusions. » Pascal Vinardel dans Note sur ma peinture.
En 1435 , Leon Battista Alberti (1404 Gênes-1472 Rome), l’un des grands humanistes de la Renaissance, écrit De Pictura (De la Peinture), un ouvrage fondateur de la représentation picturale moderne qui va révolutionner la peinture occidentale.
C’est dans ce traité qu’apparaît la première formulation claire du principe de la perspective centrale. Il introduit tout d’abord la notion de pyramide visuelle dont l’œil du peintre serait le sommet: « La peinture sera donc une section de la pyramide visuelle à une distance donnée, le centre étant posé », le centre désignant l’œil du peintre.

« Je trace d’abord sur la surface à peindre un rectangle de la grandeur que je veux, qui sera pour moi une fenêtre ouverte à partir de quoi on peut contempler l’histoire ». Le tableau doit aussi raconter une « histoire qui constitue le dernier degré d’achèvement de l’œuvre du peintre». La peinture est semblable à un poème : « L’histoire touchera les âmes des spectateurs … »

MAN RAY : LE BEAU TEMPS

Du 8 juillet au 19 novembre 2023

Considéré comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, Man Ray appartient au mouvement dada. Il fréquente le milieu surréaliste et entretient une relation amoureuse avec Kiki de Montparnasse. Il a inventé avec Lee Miller le procédé de la solarisation. Emmanuel Radnitsky (dit Man Ray) naît le 27 août 1890 à Philadelphie et commence des études d’architecture avant de se tourner vers l’Art. Très vite, il fréquente les milieux avant-gardistes et dadaïstes. Il rencontre Marcel Duchamp, avec lequel il se lie d’amitié.

Ses premières œuvres varient de la peinture (fauvisme et cubisme) à la photographie. Avide de nouveauté et d’originalité, il réalise ses Aérographes (peinture au pistolet, 1917).
En 1921, il s’installe à Paris, participe au mouvement Dada en compagnie de Duchamp et présente ses premiers « readymade ». Dès 1922, il utilise sa technique du rayogramme (silhouettes abstraites d’objet) puis intègre le mouvement surréaliste et réalise plusieurs courts-métrages (l’Étoile de mer, 1928). Parallèlement, il poursuit ses activités photographiques (le Violon d’Ingres, 1924) et s’adonne aussi bien à la peinture qu’à des activités de collage et d’assemblage. Man Ray décède le 18 novembre 1976 à Paris. Il demeure l’un des artistes les plus importants de l’avant-garde américaine

Les incontournables

Cette première partie présentera des photographies, dites Incontournables d’Emmanuel Radnitsky connu sous le nom de Man Ray, né le 20 août 1890 aux États-Unis dans la ville de Philadelphie : les rayogrammes, Le Violon d’Ingres (1924), Noire et blanche (1926), Primat de la matière sur la pensée (1929), mais aussi Larmes (1930), La Prière (1930), Anatomie (1930), ainsi que des photos de mode publiées dans des magazines comme Vanity Fair.

Qu’est ce que la rayographie ?
Selon Man Ray, le rayogramme est une « photographie obtenue par simple interposition de l’objet entre le papier sensible et la source lumineuse. Saisies aux moments d’un détachement visuel, pendant des périodes de contact émotionnel, ces images sont les oxydations de résidus, fixés par la lumière et la chimie, des organismes vivants ».
Découvert par accident, Man Ray a obtenu sa première rayographie, en 1921. Il avait posé un thermomètre, un verre gradué et un entonnoir sur du papier sensible, avant d’allumer la lumière par mégarde. Les formes des trois objets s’étaient imprimées en blanc sur les feuilles noires. Pour lui, c’était une manière de dessiner avec la lumière. Il nomme alors ce procédé du photogramme, « rayographie » ou « rayogramme », en hommage à son nom et à la radiographie aux rayons X, procédé scientifique qui fascine et inspire les avant-gardes surréalistes. Ces impressions directes de formes d’objets sont l’équivalent photo de l’écriture automatique des surréalistes.

La Villa Noailles

À partir de 1927, Man Ray fréquente un couple de mécènes, le vicomte Charles de Noailles et son épouse Marie-Laure de Noailles. Il participe avec d’autres surréalistes au Bal futuriste organisé par ses derniers. C’est en 1929 qu’il fait un long séjour à Hyères à la suite d’ une commande du Vicomte qui souhaite faire la promotion de sa villa construite en 1925, œuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens. À noter, le lien fort entre la Villa Noailles et la Banque de France, dont les chantiers sont tous deux suivis localement par Léon David entre 1923 et 1925.
Cette partie de l’exposition présente des portraits du couple Noailles, des photographies de réceptions de l’époque, un portrait de Robert Mallet-Stevens, un tableau exposé pour la première fois en France, M et Mme le vicomte de Noailles et des photos de la Villa Noailles. Le musée propose avec la Villa Noailles le film Les Mystères du Château de Dé réalisé en 1929, commandité et produit par Charles de Noailles et dédié à sa femme.

La solarisation est un procédé découvert par hasard par Lee Miller, l’assistante de Man Ray. C’est une inversion partielle ou totale des densités d’une photographie (négatif ou papier argentique) qui intervient après une forte exposition à la lumière blanche durant le développement. Man Ray, en perfectionnant cet effet, a donné ses titres de noblesse à la solarisation.
« C’est un procédé créatif puissant, quand il est bien mené, et cela donne une immense autorité et un grand prestige au photographe. Naturellement, mes rivaux appellent cela des trucages. Ils ne savent pas qu’il n’y a pas de trucage, parce que le trucage d’aujourd’hui est la vérité de demain ». Man Ray Portraits (Édition Centre Pompidou, 2010)

La galerie des surréalistes

Les portraits vont asseoir la réputation de Man Ray comme photographe et lui permettre de vivre de son art dans son atelier parisien. Dans l’exposition, ce sont essentiellement des portraits d’artistes surréalistes et d’avant-garde avec quelques photos de groupe comme Centrale surréaliste (1924), Séance de rêve éveillé (1924), et surtout des artistes seuls comme André Breton, Paul Éluard, Max Ernst, Jean Cocteau, Jean Arp, Yves Tanguy, Pablo Picasso, Dora Maar, René Char, Alberto Giacometti, Joan Miro, Louis Aragon, etc.
Certaines de ces photos sont présentées annotées par l’artiste, notamment des traits de cadrage faits au feutre, comme autant d’exemples du travail de l’artiste sur l’image.

Le sud

Cette dernière partie présente des photos des différents séjours de Man Ray dans le sud de la France, lors de séjours à la plage ou de repas entre amis. Les protagonistes sont Pablo Picasso, Paul et Nusch Éluard, Dora Maar, Roland Penrose ou encore Ady Fidelin à Mougins, Antibes et Juan-les-Pins. Lors de ces séjours, Man Ray en profite pour faire des tests avec les nouvelles pellicules couleurs (photo et film), qui lui ont été données par Kodak.
Le film La Garoupe, en couleur, fait lors de l’été 1937, montre la vie de ce groupe, réuni autour de Picasso qui peindra 6 tableaux représentant les femmes présentes lors de ces vacances. C’est d’ailleurs à la suite de ces moments passés dans le sud, en rentrant à Paris en septembre 1937, que Man Ray et Paul Éluard vont terminer leur oeuvre commune, Les Mains libres.

Plus de détails sur Les mains libres, Man Ray et Paul Éluard

Les Mains libres, recueil de Man Ray et Paul Eluard paraît en 1937. Il est constitué de dessins illustrés de poèmes.
Ce recueil est une parfaite illustration de la démarche et des recherches des Surréalistes qui refusent les catégories esthétiques et qui envisagent l’art comme un instrument de libération et de révolution. Dessins et poèmes font référence au rêve et à l’activité inconsciente. Quelques mots parfois suffisent au poète pour illustrer l’image. Man Ray et Paul Eluard opèrent un renversement du processus de création standard pour affirmer leur liberté créatrice. Ici, ce sont les poèmes qui illustrent les dessins.
Ceci n’est pas la première collaboration artistique entre Man Ray et Paul Eluard. En juin 1926, on trouve dans la revue
La Révolution surréaliste, une photographie signée de Man Ray, qui vient illustrer un poème de Paul Eluard, à la fenêtre. En 1935, dans la revue Minotaure, c’est le poème Appliquée d’Eluard qui est illustré par des photographies de Hans Bellmer et Man Ray.
Le recueil Facile marque la suite de la collaboration entre les deux hommes. 12 poèmes de Paul Eluard, sont accompagnés de 12 photographies héliogravées par Man Ray, de Nusch Eluard, épouse et inspiratrice du poète. Facile a été publié en 1935 par l’éditeur surréaliste Guy-Lévis Mano.

Hold Up ! Jean Claude Silbermann

Du 25 mars au 4 juin 2023

Présenté comme le dernier des surréalistes, Jean-Claude Silbermann est un artiste novateur, multipliant les expériences artistiques. Né en 1935 à Boulogne-Billancourt, enfant, il découvre les chansons des années 1940 et les contes de Grimm. Au lycée, un professeur de philosophie lui révèle la psychanalyse et le surréalisme. À 18 ans, il lit Alcools d’Apollinaire, c’est une révélation : il veut être poète. Il voyage, travaille, s’embarque sur un paquebot à Oslo et lit : « Breton, Antonin Artaud, Benjamin Péret, c’était une autre façon de penser. La poésie me semblait être une langue étrangère que je comprenais… »
Très jeune, il rejoint le surréalisme sur invitation d’André Breton. Jean-Claude Silbermann publie son premier recueil de poésies Le Puits de l’Ermite en 1959. « Sur les conseils d’un de mes amis, le peintre Pierre Jaouën, je me suis mis au dessin. » Trouveur, il invente en 1962 ses premières « enseignes », œuvres en bois découpé inspirées par la silhouette d’un porteur de menu devant un restaurant. Deux ans plus tard, il présente sa première exposition Enseignes sournoises saluée par André Breton dans son catalogue.
En parallèle, Silbermann exerce comme professeur dans les Écoles nationales d’art de Bourges, Nice, Limoges ou Cergy-Pontoise. Ses œuvres sont exposées au musée d’art moderne et contemporain de Genève, à Prague, Stockholm, Brest et au Centre Pompidou à Paris.

Le surréalisme

Le surréalisme est un mouvement artistique et culturel, dans la lignée du mouvement dada. Fondé en 1919, le surréalisme a connu ses heures de gloire entre les deux guerres mondiales. Son chef de file, André Breton, le définit comme « un automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée ». Breton publie d’ailleurs le Manifeste du Surréalisme en 1924. Jean-Claude Silbermann y adhère dans les années 50, déjà influencé par Apollinaire. Antonin Artaud, Benjamin Péret Breton lui même deviennent alors ses amis et compagnons de route. Véritable mouvement de révolte face aux normes sociales, la quête poétique et celle de la liberté unissent les membres du mouvement jusqu’à la dissolution du groupe en 1969.

Autour de l’exposition « Hold-Up ! »

L’exposition « Hold-up ! » à La Banque est pensée comme une effraction à main armée dans un lieu public. La métaphore est transparente : la main armée est celle de l’artiste avec son art dont le but est d’ébranler, voire de « casser » les convenances établies pour réveiller le visiteur et le transporter vers une réalité hors des idées préconçues. À travers un parcours défini par l’artiste, « Hold-up ! » regroupe différentes techniques artistiques, qui questionnent sur l’importance du rêve et de l’inconscient, thème principal de son œuvre. Elle sera ainsi rythmée par des extraits de poésie, de montages en bois et de dessins à l’encre ou aux crayons

PLOSSU « JARDINS ET ÎLES »

Du 22 octobre 2022 au 22 janvier 2023

La vision artistique de Bernard Plossu est façonnée par son goût pour le cinéma et ses nombreux voyages.
Ayant parcouru le monde entier, son histoire avec Hyères commence dès les années 1960. Il aime photographier cette ville à la fois rurale, urbaine, littorale et insulaire. Son étrange beauté, ses paysages entre terre et mer, sous le ciel clair de Provence le passionne, mais c’est surtout au travers de ses photographies des jardins et des îles d’Hyères que Bernard Plossu témoigne de son attachement à notre ville.
Né en 1945 dans le Sud-Vietnam, à Dalat « ville du printemps éternel », Plossu est un photographe français de renom. C’est lors d’un voyage avec son père dans le Sahara à l’âge de treize ans, et muni d’un Kodak Brownie Flash, qu’il s’initie à la photographie.
Adepte du noir et blanc ou du tirage Fresson, unique pour ses couleurs intenses et son rendu mat, ce « photographe de tous les instants » parvient à captiver par ses photographies au 50 mm, authentiques, réalistes.
Persuadé « qu’on ne prend pas de photos » mais que ce sont « les photos qui nous prennent », il saisit les images au vol, se laissant transporter par ce qui attire son regard.

Les jardins d’Hyères

C’est avec un regard curieux et une grande sensibilité, que les jardins de la ville d’Hyères ont été photographiés par Bernard Plossu en 2021. Cette série d’une cinquantaine de photographies exposées aujourd’hui, est le résultat d’une commande et de plusieurs après-midis passées par le photographe à arpenter les petites rues, à rencontrer les habitants et à se laisser surprendre par la nature et les paysages typiques d’une ville méditerranéenne.
Du parc Sainte-Claire, en passant par celui de Saint-Bernard, ou encore le parc Olbius Riquier et le jardin du musée La Banque, le noir et blanc des photographies permet de rendre leur simple beauté aux espaces familiers de la ville et à leur végétation luxuriante et calme. La vieille ville se trouve également immortalisée sous son objectif, comme si le temps s’était arrêté sur l’ancienne cité médiévale.

Les îles : Porquerolles

La plus célèbre des Îles d’or, Porquerolles est également la plus grande avec ses presque 13 km2 de superficie, et la plus peuplée. Unique en son genre, connue pour ses eaux turquoise, ses plages de sable fin, son attrait est une évidence touristique.
Les photographies de l’île exposées ici sont en noir et blanc, indissociable de l’oeuvre de Plossu. C’est grâce à ce traitement spécifique que nous pouvons découvrir Porquerolles avec un autre regard, loin des cartes postales. C’est en 1963, à Pâques, que Plossu visite l’île hyéroise pour la première fois. Pour le photographe, il s’agit d’un « coup de foudre immédiat pour la végétation, les odeurs méditerranéennes, les petits chemins », et d’ajouter « le paradis doit ressembler à cela ».

Les îles : Port-Cros

L’île de Port-Cros est un espace naturel préservé, devenu parc national en 1963. Ce lieu étonne par sa nature sauvage, ses chemins de terre déserts, son calme et cette impression d’être hors du temps, loin de toute civilisation. Il reste aujourd’hui à l’écart de la Côte d’Azur. Les photos de Bernard Plossu, en couleurs Fresson, loin du bruit et dans une évidente simplicité, montrent l’île de Port-Cros telle qu’elle est et mettent en avant sa lumière. Une lumière propre au Sud, non pas éclatante mais légèrement tamisée. Les paysages y deviennent poétiques, sous l’oeil d’un artiste « photographiant le vent, le silence, les embruns, l’horizon lointain, les plantes qui se composent naturellement ».

Braque « œuvre gravé »

Du 4 juin au 25 septembre 2022

L’œuvre gravé de Georges Braque

2022, 140e anniversaire de la naissance de Georges Braque (1882-1963).
Cet artiste majeur du XXe siècle, ami de Picasso, Matisse, ou encore Jean Paulhan et Aimé Maeght, a été le précurseur de nombreux mouvements artistiques.
Il commence avec les Fauves, co-fonde le Cubisme, explore les paysages géométrisés et les natures mortes en aplats, crée les papiers collés et varie les thèmes, comme les oiseaux ou la mythologie grecque. Il participe également à l’engouement pour le livre illustré qui se développe dès le début du XXe siècle, illustrant les œuvres de ses amis poètes, dont René Char (Lettera amorosa, 1953).
Ceux qui ont écrit sur Braque ont noté son souci constant du métier mais aussi de la matière. Celui qui a expérimenté avec le sable incorporé à la peinture et avec les lettres, ne pouvait négliger la pierre et le métal : la gravure est indissociable de son oeuvre. Braque commence à graver dès 1908 mais ne montre ses compositions qu’à partir de 1912, encouragé par son marchand Kahnweiler. Après la guerre de 1914-18, il produit quelques gravures sur bois et davantage de lithographies. C’est à partir de 1930 qu’il y consacrera une partie de son œuvre. Son œuvre gravé, si important, reste ainsi peu abondant. « La limite des moyens », notait-il, « donne le style, engendre la formule nouvelle, et pousse à la création ».

Œuvre {n.m.} : ensemble de ce qu’un artiste a produit, notamment au moyen d’une technique particulière.
Graver {v.tr.} : creuser un support en retirant de la matière (métal, bois…).

Harmonies intérieures

Dans le parcours proposé, les natures mortes de Braque sont regroupées en deux sections : la première concerne sa période cubiste en noir et blanc, et la seconde, celle de ses natures mortes colorées et structurées dans un espace défini. Pour ses gravures

d’inspiration cubiste, Braque utilise des objets du quotidien (plat, vase, fruits, théière, fleurs), propres au genre de la nature morte. La simplification des couleurs avec des camaïeux de gris et de bruns, et la réduction à des formes géométriques, figuratives, apportent un aspect nouveau et innovant. Aboutissant sur du cubisme analytique, il n’est pas question de volume, mais plutôt d’aplat.
Les variantes de composition de ses natures mortes sont sans fin, plus ou moins sobres, encombrées ou colorées. Certains objets reviennent tout au long de son œuvre, quelques-uns formant des séries où s’expriment un refus du volume, une dissociation du dessin et de la couleur. Ce ne sont pas les objets en eux mêmes qui importent, mais le lien qui existe entre eux.
Braque a toujours désiré un équilibre, une harmonie dans ses compositions. Ses instruments de musique ou bien ses outils d’artiste y ont une grande importance et nous pouvons les retrouver dans Théière et pommes, 1946, La guitare, 1953, ou encore Les Amaryllis, 1958.

Poésie grecque et métamorphoses

Féru d’Antiquité et de littérature, Braque découvre, dans les années 1920, Hésiode, poète théologien grec du VIIIe s. av. J-C. Lorsque Ambroise Vollard lui propose d’illustrer l’œuvre poétique de son choix, l’artiste se tourne vers ce poète. Au début des années
1930, Georges Braque varie ses sources d’inspiration et développe un profond intérêt pour la mythologie antique. Les figures humaines et animalières issues de la mythologie, apparaissent alors régulièrement dans son travail, notamment dans des gravures et des lithographies.
L’artiste utilisera fréquemment la technique de la gravure pour faire ressortir des compositions linéaires, sur fond teinté dans ses estampes d’après-guerre, aussi bien que dans son œuvre d’illustrateur, notamment dans la série des Hélios. Dans cette salle, à travers les profils grecs ou les scènes mythiques, nous retrouvons un hommage à cette mythologie grecque que Braque appréciait tant. La sculpture La Charrue (1939-1940) est ainsi une référence au poème d’Hésiode, Les
Travaux et les Jours.

L’envol

Le motif de l’oiseau apparaît chez Georges Braque dès les années trente mais devient plus fréquent vers la fin de sa vie, avec la commande du plafond de la salle Henri II du Louvre en 1953, puis après une visite
à la Tour du Valat en Camargue en 1955. Ce thème d’abord incorporé comme élément graphique dans sa série « Ateliers », huit toiles à peine figuratives au thème sombre entre 1949 et 1956, finira par s’imposer dans l’œuvre de l’artiste et y restera présent jusqu’à sa mort.
Cet « être de plume et de conquête » (Saint-John Perse, Oiseaux, VII, 1962) est représenté de manière peu figurative, mais exprimant autant de réel et de compréhension. Généralement composé de grands aplats de couleur – bleu, blanc, jaune, noir ou même orange – « l’oiseau succinct de Georges Braque » comme disait Saint-John Perse, est parvenu par sa pureté et sa simplicité, à l’essentiel. Très colorés, symbolisant la sérénité mais également le rêve et l’évasion, ses oiseaux paraissent voler d’œuvre en œuvre, comme en mouvement. Un envol que l’on retrouve dans les créations de cet espace.

Mouvements

Le motif du cheval chez Braque est souvent lié aux gravures qu’il a composées entre 1931 et 1932 pour illustrer sa version de La Théogonie d’Hésiode parue en 1955. Œuvres issues de sa période inspirée par la
poésie grecque, il s’agit ici d’estampes ou de sculptures tel Pur Sang, 1956, en bronze, sur le thème de la chasse et de la course hippique. Les chevaux représentés rappellent ceux de la Grèce antique par leurs traits épurés, leurs formes simplifiées et la manière dont ils semblent en mouvement. Pourtant, Braque rapporte avoir été inspiré pour la plupart de ses chevaux par Gélinotte, un cheval participant aux courses de trot dans les années 1950, qui lui aura aussi servi de modèle pour plusieurs de ses œuvres, dont Le Petit Cheval, 1955-56. L’artiste semble alors recréer un souvenir.

1948 – 1963

Les dernières années de création de Braque sont accompagnées de marques d’honneur et de reconnaissance.
Il reçoit en 1948 le Grand Prix de la Biennale de Venise et devient le premier artiste à être exposé de son vivant au Musée du Louvre en 1961, lors de la rétrospective L’atelier de Braque. Durant les dernières années de sa vie, Braque, vieillissant et malade, est incapable de travailler longtemps à ses peintures. S’engageant alors dans une nouvelle démarche artistique, il sélectionne une centaine de ses œuvres qui sont retranscrites en gouaches maquettes, préliminaires à une exécution en trois dimensions. Il collabore
ainsi avec le diamantaire Heger de Loewenfeld pour des céramiques, mosaïques ou encore bijoux à base d’or, de cuivre et ornés de pierres précieuses, telles diamant, émeraude, topaze ou améthyste.
Braque s’éteint le 31 août 1963 après une riche et brillante carrière. Lors des funérailles nationales de l’artiste en septembre 1963, André Malraux prononce dans la Cour carrée du Louvre un puissant discours, dans lequel il déclare que jamais aucun peintre ne reçut un hommage de cette nature de la part d’un pays moderne, avant d’ajouter : « Et puisque tous les Français savent qu’il y a une part de l’honneur de la France qui s’appelle Victor Hugo, il est bon de leur dire qu’il y a une part de l’honneur de la France qui s’appelle Braque, parce que l’honneur d’un pays est fait d’abord de ce qu’il donne au monde ».

L’exposition inaugurale « Face au soleil 1850-1950 »

Du 27 novembre 2021 au 24 avril 2022

Bonnard, Boudin, Camoin, Cross, Dufy, Friesz, Picasso, Renoir, Signac, Valtat, Ziem, Chagall…

Pour fêter la renaissance du musée d’Hyères !

Un nouveau musée, La Banque, musée des Cultures et du Paysage, voit le jour à Hyères à l’automne prochain.
À cette occasion, la municipalité hyéroise a souhaité associer à la présentation nouvelle et étoffée de ses collections permanentes, une exposition évoquant, entre terre et mer, et face au soleil, la découverte des paysages méditerranéens par les peintres, entre 1850 et 1950. Cette manifestation réunissant 65 tableaux prêtés par 35 musées et plusieurs collectionneurs particuliers et exposant 49 artistes, permettra de découvrir combien l’attrait d’une lumière nouvelle, bien éloignée de celle des ateliers, s’est faite progressivement et avec un succès grandissant.

Sur la route de l’Italie, mère incontestée et incontournable des arts, des peintres de toutes origines ont, très tôt, fréquenté le littoral méditerranéen. La plupart, cependant, ne firent que passer laissant aux artistes locaux le soin de chanter les paysages de leur région. Ceux-ci, tels que Paul Guigou ou Émile Loubon, privilégièrent ainsi, pendant longtemps, les plaines écrasées de soleil et les petites montagnes au-delà desquelles la mer aux couleurs de saphirs apparaissait timidement.

Au contact des visiteurs septentrionaux, les méridionaux firent évoluer leurs sujets. Certains regardèrent du côté de la peinture officielle, ainsi, Prosper Grésy qui, sous l’influence de ce qui se faisait au Salon, introduisit ses nymphes à l’ombre des sources jaillies au milieu d’une végétation de chênes verts ou de chênes lièges. D’autres, ensuite, tels Félix Ziem ou Jean-Baptiste Olive, mirent leurs pas dans ceux des nouveaux venus pour qui la mer, aux aspects éternellement recommencés, était un inépuisable champ d’expériences plastiques.

C’est que, depuis peu, arrivés par la récente ligne ferroviaire allant de Paris à Marseille, ces peintres du midi avaient vu s’installer de nouveaux artistes attirés par la douceur du climat ? qui drainait aussi de nouveaux visiteurs, aristocrates et bourgeois, mais surtout amateurs et collectionneurs ? et par des sujets nouveaux sous une lumière qu’ils ne connaissaient pas. Étonnamment, il ne s’agissait pas de novices mais de peintres confirmés qui transplantaient dans le midi une idée du paysage qui encore continuait d’être peinte en atelier. D’Ernest Meissonier, qui fut probablement un des plus efficaces promoteurs du goût pour le Sud, à Eugène Boudin, une nouvelle génération de peintres portait haut les couleurs de la Méditerranée et cela jusque sur les cimaises du Salon parisien.

L’effervescence créatrice qui suit la première grande révolution artistique qu’est l’impressionnisme va se faire ressentir aussi dans les rapports des peintres avec le Sud. Le rejet du travail en atelier supplanté par le travail en pleinair, la volonté de rendre la lumière de

ce pays de cocagne dans sa fugacité et ses vibrations vont, d’Auguste Renoir à Paul Signac, d’Henri Edmond Cross à Louis Valtat, et même plus tard encore, avec Georges Ribemont-Dessaignes, exalter une couleur qu’on ignorait et qui ne fit qu’accroître l’attrait de la Méditerranée.

Un nouveau pas est franchi au début du XXe siècle où lumières et couleurs deviennent objets de délectation, ainsi chez Pierre Bonnard et Émile Othon Friesz, tandis que les sujets progressivement disparaissent quand ils ne sont pas sauvés par l’influence cézannienne et son approche géométrique des motifs chez Raoul Dufy ou André Masson.
Le motif provençal devient un prétexte à l’introspection et se décline en séries pour plusieurs artistes, les pigeons de Picasso, les oliviers de Edouard Pignon et les galets de Ladislas Kijno.
La Méditerranée devient le motif d’une création colorée, déstructurée ou recomposée à la manière de Marc Chagall qui réorganise le réel et crée un univers onirique. Ainsi les sentiments s’expriment avec exaltation allant de la douleur ou de la joie au mysticisme.
Dans leur quête radieuse ou douloureuse de cette lumière méditerranéenne vive et irradiante, ces artistes sont partis à la recherche d’une vérité ou d’une « lucidité » artistique ouvrant sur une création prolifique et interpellante car « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » selon le poète René Char. (Œuvres complètes – Notes du recueil intitulé Feuillets d’Hypnos, rédigé entre 1943 et 1944 et dédicacé à Albert Camus.)

Dominique Lobstein
Historien de l’art

SCÉNOGRAPHIE
La Fabrique Créative
Henri Joaquim – Direction
Sylvie Dolly – Design, scénographie
Isabelle Abiven – Graphisme
30 rue de Charonne, 75011 Paris
01 42 72 15 47 – 01 42 72 44 46
AE3
Alain Jeanmet – Direction
Claude Goyet – Menuisier Ébéniste
William Cerret – Ebéniste métalier
1022, rue Max Chabaud, 3000 Nîmes
04 66 27 21 77 – 06 15 75 19 50

Parcours de l’exposition

De 1850 à 1950, la Provence a su inspirer successivement les talents locaux mais également accueillir des artistes originaires de toute la France. Attirés par la douceur du climat, la singularité des paysages et la présence du soleil, plusieurs sont devenus méditerranéens de cœur, tandis que les natifs provençaux, amoureux de leur terre natale, n’ont de cesse de la faire admirer. Si les peintres du Sud s’attachent à montrer leur pays de l’intérieur, la Provence, les
parisiens sont plus sensibles aux couleurs de la mer, au ciel et au soleil.
Ces représentations des paysages du sud et plus particulièrement des bords de mer, nous proposent une histoire de l’art et des mouvements qui se sont succédés durant une centaine d’années. Des terres provençales à la
Méditerranée, des paysages aux marines, des plaines aux ports, du réalisme à l’explosion de la couleur, les peintres interprètent au fil du temps un paysage magnifique, illustrant les différents courants de la peinture. Durant cette période, les artistes se sont confrontés aux mêmes sujets, parfois selon des principes esthétiques identiques, mais aussi différents. À l’universalité des débuts va répondre l’atomisation des dernières cimaises, kaléidoscope de cet embrasement de l’art aux rayons d’Hélios.

1. Célébrer l’âme de leur chère Provence (1850-1870)

Les sociétés des Amis des Arts de Marseille et de Toulon exposent, dès 1836, les artistes de l’école provençale, née sous l’impulsion d’Émile Loubon. Cherchant à célébrer l’âme de leur chère Provence, des artistes tels que Guigou, Grésy, Courdouan ou encore Monticelli, influencés par les courants réalistes et naturalistes, chantent leur terre natale dans une facture naturaliste. Unis par des principes esthétiques et artistiques communs, ces peintres issus pour certains de formations académiques, travaillent d’une manière proche et sur des thèmes identiques : les scènes de genre et les paysages, appréciés des amateurs. Des lavandières, des baigneuses, un troupeau, s’illustrent dans de larges panoramas où quelquefois, la mer s’aperçoit au loin. Comme dans Soleil et poussière, de Crémieux où la scène écrasée par le soleil laisse à peine apparaître, une mer aux couleurs de saphir. Certains artistes comme Olive ou Ponson s’attachent, quant à eux, à représenter des calanques et des ports. D’autres regardent du côté de la peinture officielle. À l’instar de Grésy, sous l’influence des Salons officiels, qui introduit un sujet mythologique avec la présence de nymphes dans un paysage provençal. À partir de 1852, les Salons parisiens s’ouvrent aux artistes et aux sujets méridionaux, suscitant un intérêt pour cette région en pleine expansion.
[?] Le Midi est naturaliste, car la nature y est si belle et si claire que l’homme, n’ayant rien à désirer, ne trouve rien de plus beau à inventer que ce qu’il voit […] C. Baudelaire

2. L’appel de la lumière Méditerranéenne (1870-1900)

Avec l’arrivée de la ligne ferroviaire Paris-Lyon-Marseille, vantée par ses affiches publicitaires, de nombreux artistes attirés par la douceur du climat, et par de nouveaux sujets sous une lumière qu’ils ne connaissaient pas, s’installent dans le Midi. Ces peintres réputés, venus des contrées septentrionales, vont au contact des paysages provençaux, transposer leurs pratiques et leurs palettes.
Ces artistes portent haut les couleurs de la Méditerranée jusque sur les cimaises des Salons parisiens comme Meissonnier, un des plus efficaces promoteurs du goût pour le sud ou Boudin, «le roi des ciels», qui garde sa palette par temps gris. Les couleurs se font plus claires et plus chatoyantes, tel le miracle de l’eau verte du port de Villefranche de Guiaud ou l’opposition des bruns de la terre avec les bleus de l’eau et du ciel de Flandrin. Les nuances sont ainsi plus légères, les bleus plus présents et les formats plus réduits.
Au contact de ces artistes, les peintres méridionaux font évoluer leurs pratiques. Ils se rapprochent du bord de mer, fréquentent les villes et les ports. La mer, thème de prédilection des peintres du nord pour sa lumière et ses aspects changeants, devient alors un sujet à part entière. Ziem et Olive en font un inépuisable champ d’expériences plastiques. L’effervescence créatrice qui suit la première grande révolution artistique qu’est l’impressionnisme va se faire ressentir aussi dans les rapports des peintres avec le Sud.

3. L’émotion est lumière et couleur (1900-1920)

Le pourtour méditerranéen devient un grand atelier où se retrouvent les artistes pour travailler ensemble et se confronter aux mêmes sujets. Les différentes pratiques se juxtaposent et se superposent parfois même dans la production d’un seul artiste. Cette émulation fait évoluer les techniques et nourrit une nouvelle modernité picturale qui s’exprime dans de nouveaux courants artistiques (pointillisme, fauvisme, etc.). De Renoir à Signac, de Cross à Valtat ou encore, plus tard, avec Ribemont-Dessaignes, la pratique du travail en plein air et la volonté de rendre la lumière de ce pays de cocagne, dans sa fugacité et sa vibration, vont exalter une couleur et une lumière qu’on ignorait.
Ainsi, à la recherche de l’inspiration, les artistes installent leurs chevalets dans des sites pittoresques où la couleur est brûlée, saturée par le soleil. À l’instar du bleu et du rouge des Roches d’Agay de Seyssaud et de Valtat, souvent représentées tant l’opposition des couleurs de la terre du ciel et de la mer est surprenante.
En usant d’une toponymie précise, les titres des oeuvres honorent les villes et les lieux de la Méditerranée. Les villages et les ports se cachent dans les anfractuosités de la côte, les déchirures de la montagne. Un nouveau pas est franchi quand la lumière et la couleur deviennent un sujet de peinture à part entière.
L’émotion est lumière et couleur, la création est effervescence.
L’éblouissement du soleil méditerranéen va amener ces artistes à une remise en question.

4. Vers l’expression d’une réflextion individuelle

Le sud est plus que jamais une terre de bien-être et d’imaginaires. Ainsi, les ports, symbolisant le voyage et la découverte, continuent d’inspirer. Dans le calme, la chaleur et l’atmosphère diaphane du sud, on se repose, on fait la sieste, on lit, on se promène, comme dans les tableaux de Bonnard et de Camoin. Après l’explosion de la couleur et de la lumière, les peintres reviennent au motif et à la ligne. La recherche picturale devient plus personnelle, plus intellectuelle et l’expression d’une réflexion individuelle.
L’émotion cède la place à la pensée. L’artiste peint depuis son atelier, volets entrouverts sur la baie ou le vallon de la maison : Les Collettes de Renoir. Le motif provençal devient un prétexte à l’introspection et se décline en séries pour plusieurs artistes, les pigeons de Picasso, les oliviers de Pignon et les galets de Kijno. La Méditerranée devient le motif d’une création colorée, déstructurée ou recomposée à la manière de Chagall qui réorganise le réel et crée un univers onirique. Ainsi les sentiments s’expriment avec exaltation allant de la douleur ou de la joie au mysticisme.

Catalogue de l’exposition

Le catalogue de cette exposition propose d’abord deux textes pour introduire son propos.
Le premier du commissaire général Dominique Lobstein, montre combien le rôle des salons parisiens de plus en plus importants tout au long de la première moitié du XIXème siècle et l’arrivée du train dans le sud, mettent en lumière la place et l’évolution des peintres et des sujets méditerranéens dans l’histoire de l’art.
Le second, un essai de la directrice du musée jusqu’en octobre 2020, Amélie Bothereau, explique comment au travers de l’histoire du musée, ses collections composites se sont constituées entre Provence et Méditerranée par des conservateurs et des artistes locaux qui ont su sublimer cette région.

Puis, les 50 biographies et 66 oeuvres, qui illustrent le propos de cette exposition, permettent au lecteur de comprendre comment les artistes interprètent au fil du temps les magnifiques paysages méditerranéens au travers des différents courants de la peinture entre 1850 et 1950. Enfin, pour aller plus loin, 5 conservateurs en chef de musées de France parlent d’artistes ou de collections en dialogue avec le contenu de cette exposition.

198 pages avec couverture à rabats
Dimensions : 21x28cm
Prix : 20 €
Conception : La Fabrique créative